Simone Weil

Extraits du livre: "Simone Weil, le courage de l'impossible"  par Christiane Rancé.

La vérité, c'est que l'esclavage avilit l'homme jusqu'à s'en faire aimer, que la liberté n'est précieuse qu'aux yeux de ceux qui la possèdent effectivement; et qu'un régime entièrement inhumain comme est le nôtre, loin de forger des êtres capables d'édifier une société humaine, modèle à son image tous ceux qui lui sont soumis, aussi bien opprimés qu'oppresseurs. 

Ne plus avoir de peine que pour eux, non par eux.

Prendre puissance sur, c'est souiller. Posséder, c'est souiller. Aimer purement, c'est consentir à la distance, c'est adorer la distance entre soi et ce qu'on aime.

J'ai le besoin essentiel, et je crois pouvoir dire la vocation, de passer parmi les hommes et les différents milieux humains en me confondant avec eux, en prenant la même couleur, dans toute la mesure, du moins où la conscience ne s'y oppose pas, en disparaissant parmi eux, cela afin qu'ils se montrent tels qu'ils sont et sans se déguiser pour moi. 

Là, j'ai soudain eu la certitude que le christianisme est par excellence la religion des esclaves, que des esclaves ne peuvent pas ne pas y adhérer. 

La violence du temps déchire l'âme. Par la déchirure, entre l'éternité. 

Elle avait découvert certains ressorts mystérieux de l'âme -la soumission à la tyrannie, la jubilation face au crime- et compris qu'elle n'était exempte ni de l'une ni de l'autre. 

Peut-il y avoir, dans un même temps, sur cette terre Michel-Ange et l'usine? la nécessité et la liberté? la faim et la beauté?

C'est pour rompre leur solitude que les hommes vibrent à l'unisson dans un ego collectif, qui n'est rien d'autre que de l'idolâtrie. 

La foi, c'est l'expérience que l'intelligence est éclairée par l'amour. 

A ses yeux, ...parmi tous les Grecs, Platon est le plus grand...

La culture occidentale souffre d'une scission entre la culture profane et la spiritualité - scission mortifère pour elle, pour le salut des âmes qui la composent.

La connaissance essentielle concernant Dieu est que Dieu est le Bien. Le Dieu de l'Ancien testament est-il le Bien? Non. il est la Puissance. Or, adorer la puissance, c'est introduire l'idolâtrie. 

Une autre idée la heurte dans la religion juive, c'est celle du peuple élu...qui pour elle, représente l'idôlatrie absolue et "le gros animal triomphant", à savoir sa pire crainte. 

Elle connait ses faiblesses; parmi elles, cette empathie naturelle, énorme, qui la pousse à épouser la vue de ses interlocuteurs. 

Dans le malheur, le "je" est détruit, et alors à sa place, pénètre l'amour de Dieu.

Le moi n'est que l'ombre projetée par le péché et l'erreur, qui arrêtent la lumière de Dieu, et que je prends pour un être. 

S'apitoyer sur soi est laid; s'apitoyer sur les autres est atroce. Seule la prière permet de faire face; la prière doit être à la source de l'amour. Un appel. Une attente. Une espérance.

Là où il y a besoin, il y a obligation. 

il ne s'agit plus des "droits de l'homme" mais des "devoirs de l'homme envers l'être humain".  

On a peur de lire quand on s'est rendu une fois compte de la quantité et de l'énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l'eau d'une source douteuse.

Etant donné la situation générale et permanente de l'humanité dans ce monde, peut-être bien que manger à sa faim est encore une escroquerie.